A Rembrandt
A Rembrandt
Salut, Rembrandt, penseur qui ouvres sur le monde,
Tout largement ouvert, ton oeil grave et songeur,
Tu déverses ta vie et ta force profonde
Sur des traits tourmentés de science ou d'ardeur.
La Beauté, c'est, pour toi, au-delà de la ligne,
Ce feu spirituel où s'allument les yeux,
C'est l'âme qui palpite et dont tu vois le signe,
A travers la peau hâve et les membres fiévreux.
C'est, pour toi, la Vie âpre, intense et multiforme,
Qui creuse les sillons sur les fronts abattus,
C'est toute la Douleur humaine qui transforme
Les visages, les corps de tristesse vêtus.
C'est la Vie qui s'inscrit en traits ineffaçables,
En stigmates amers, du fond du coeur jetés...
Et toi, penseur ému, tu fais d'un misérable,
Un type d'éternelle et haute humanité.
Et ton pinceau chargé des larmes du génie,
D'effluves de ton âme, en un sublime émoi,
Fait un chef-d'oeuvre avec une femme qui prie,
Un vieillard qui chemine, un pauvre homme qui boit.
Pages posthumes, 1913