Devant une figure de Vinci
Devant une figure de Vinci
Mystique, insondable figure,
De tristesse et de passion,
Qui reste, en dure obsession,
Comme un clou, comme une brulûre,
Vas-tu sourire ou bien pleurer?
Dis-tu tout bas une prière?
Ou bien ton coeur, vague mystère,
Est-il déjà mûr pour aimer?
Tu sollicite le regard
Par la floraison de ta bouche;
On t'entrevoit sur une couche
Plutôt que sous ce voile épars.
Ta guimpe de religieuse
Laisse ton sein s'épanouir;
Ton corps fait penser au plaisir
Et la tête reste songeuse.
Ton front, du cloître, a la pâleur,
Ta lèvre a la pourpre des joies;
Ton oeil, où le regard se noie,
Est une étrange et froide ardeur.
Et cette antithèse vivante,
De cette bouche et de ces yeux,
De cet atour religieux
Et de cette gorge troublante,
Fait que l'on demeure incertain
Devant le brocart qui l'engaine:
Est-elle vierge, est-elle reine,
Ou bien courtisane, ou nonnain?
Le chemin solitaire, 1908.