Heures passées
Heures passées
Les souvenirs, au gré du vent,
Reviennent en flots de la vie,
Et mon regard indifférent
N'en sent pas la mélancolie.
Ils reviennent par deux, par trois,
Les plus beaux des tendres poèmes,
Ceux qui mirent au coeur l'effroi
Des grands bonheurs, lorsqu'on aime.
C'est un délice, un tendre appel,
Et c'est une étreinte tragique,
Un mot qu'on pensait éternel,
Un soir que l'on croyait unique...
Ils reviennent las et meurtris,
Le passé en a fait sa proie;
Leurs yeux pâles, vers l'infini,
Tournent leur détresse qui ploie.
Ils passent, et le matin clair
Sourit à la belle journée;
La joie, au regard qui m'est cher,
Me cache leur peine étouffée.
Et je veux bien tendre la main,
Pour adoucir leur agonie...
Mais l'amour dore mon chemin,
Je cours, enivré, vers la vie.
Le chemin solitaire, 1908.