Blanche Sahuqué

Joconde moderne

Joconde moderne

 

Dans son oeil pers, troublant abîme,

Passe profond, silencieux,

Un rêve au pli malicieux...

Est-il pervers, chaste ou sublime?..

 

Nul n'en peut connaître l'ardeur;

Sa froide et décevante audace

Paraît narguer l'amour qui passe

Et scruter jusqu'au fond le coeur.

 

Il semble contenir un monde

De douleur et de volupté,

Et la pointe de cruauté

Qui sied aux modernes Jocondes...

 

Autrefois le front souriait

A la complexité du songe,

Et, même, au pudique mensonge

Sa naïveté s'alliait;

 

On voyait l'âme d'un visage

Se déplier comme une fleur,

Tandis que se voilait l'ardeur

Sous l'ombre des prunelles sages.

 

Et l'énigme qu'on déchiffrait

N'était pas trouble, meurtrière,

L'amour cotoyait la prière,

Le plaisir simple était discret.

 

Aujourd'hui, la flamme profonde

Des yeux pers, ou bleus, ou dorés,

Semble un appel désespéré

Et n'est qu'un sarcasme qui gronde.

 

Car cet oeil qui parait offrir

L'infini des pleurs et des joies,

Est l'abîme où le doute ondoie

Entre la haine et le désir.

 

Vers le couchant

 

Parges Posthumes, 1913



23/03/2013
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