Ouvrier d'art
Ouvrier d'art
Pour fixer son poème attentif et fragile,
Il n'est besoin pour lui des mots savants et fiers;
La pensée, aux détours onduleux et pervers,
S'embrume et fuit trop haut pour son rêve docile.
Son art simple et fervent veut le doigt plus agile,
Et l'esprit se précise en martelant le fer;
Il s'efforce aux contours savoureux et divers
Et met tout son essor en la courbe gracile.
Pour nous, qui torturons un songe maladif,
Et pleurons des mots vains où se leurre la forme,
Qu'il est pur l'art qui vibre en un geste pensif!
Fuyant l'oeuvre inquiète où le Beau se déforme,
Qu'il serait apaisant de prendre le burin,
Et de ciseler, grave, un ciboire d'or fin!
Le chemin solitaire, 1908