La joueuse de flûte
La joueuse de flûte
Ses quinze ans sont éclos ce matin. Svelte et brune,
Elle cherche, le soir, la lande taciturne
Où, dans les ajoncs roux que l’avril a fleuris,
Sur sa flûte elle implore et charme les Esprits.
Elle est sauvage et douce, a la peau savoureuse,
Mais les jeunes bergers la laissent dédaigneuse,
Et sa lèvre que mord le vent rude et brisé
Est encore ignorante aux langueurs du baiser.
Tous le jour, elle dort. Le soir, au clair de lune,
Elle appelle sa chèvre, escalade la dune,
Et, d’un doigt malhabile encor, alerte ou lent,
Tour à tour, elle évoque, en sons vifs ou dolents,
La solitude en fleur, le pâle crépuscule,
Tout le mystère épars que son souffle module;
Ou la danse parmi les ifs, les serpolets,
Des sylphes fugitifs, ou des vains feux follets.
Et s’excitant bientôt à sa chanson légère,
Elle ôse un pas furtif, glisse sur la bruyère,
Et semble, aérienne, en son rythme menu,
Quelque sylphide errante au creux des buissons nus,
Mêlant son vol fugace à la nuit printanière.
Le chemin solitaire, 1908.