Plage pensive
Plage pensive
Ce sable où, mollement, l'Amour met ses pieds tendres,
Est fait de corps broyés, de naufrages anciens;
Lamentables débris que la mer a fait siens,
Ossements de tous ceux qui ne peuvent l'entendre.
Poings crispés, pleurs brûlants, fronts noirs de désespoir,
Elle a tout englouti au flanc des rudes lames,
Les enfants aux yeux clairs, les poètes, les femmes
Et les couples charmés qui rêvaient dans le soir.
Et maintenant, sur l'or des belles plages blondes,
Le soleil de l'été met des reflets heureux,
Et l'amour éternel s'éveille sur le monde!
Les os des naufragés brillent de mille feux...
Et ce sable où la mort a roulé sa furie
Offre aux pas des amants une route éblouie!
Pages posthumes, 1913