Prémices
Prémices
La pointe des pieds nus sur la prairie en pleurs,
Voilant son jeune sein dont la pudeur s'éveille,
L'Aurore, aux yeux mic-los, indécise et vermeille,
Boit l'âme de la nuit au coeur tendre des fleurs.
L'Illusion lui met une ardente auréole,
Comme un reflet d'étoile où du ciel est resté,
Car ses yeux n'ont pas vu, vers l'horizon teinté,
Le point noir qui, demain, fauchera les corolles.
Tu n'as rien vu. Tu bois, chercheuse d'infini,
Au coeur des lys tremblants les prémices de la vie,
La fraîcheur, vierge encor, du jour qui n'a pas lui.
Aspire en tes bras frais la promesse fleurie,
L'espoir vain des matins que les soirs flétriront
Et tout l'amour naissant aux fronts qui pleureront.
Le chemin solitaire, 1908