S'en aller par la nuit...
S'en aller par la nuit...
S'en aller par la nuit amoureuse et voilée,
Au fil de l'eau profonde et câline à souhait;
S'en aller, comme un songe fin qui voguerait
De l'écume irisée au vol de la nuée.
Sentir très loin la foule et sa morne rumeur,
Jusqu'aux pâles confins épuiser le silence,
Etre comme un duvet vivant qui se balance,
Du ciel ouaté de rêve au flot sombre qui meurt.
Voir la brume de mer tisser comme des voiles
Sur sa pensée éparse en l'âme de la nuit.
Défaillir en rayons jusqu'au coeur des étoiles.
Prolonger l'agonie exquise qui s'enfuit
Du frisson vaporeux subtilisant les moëlles,
Tandis qu'au loin, dolent, l'oiseau de mer gémit.
Le chemin solitaire, 1908.