Blanche Sahuqué

Vers le couchant

Vers le couchant

 

Le ciel est déchirant de douceur et de joie,

Le soleil déclinant s'embrase et bientôt fuit...

Et moi, je sens glisser sur mon âme qui ploie,

Le crépuscule amer avant la grande nuit.

 

Les saisons ont toujours leur grâce accoutumée,

L'automne vibre encor de tous ses jours ardents...

Et pourtant, ce n'est plus la saveur étonnée

Que l'aube et que l'amour mettaient à mes vingt ans.

 

Ce n'est plus de mon coeur, rayonnant sur le monde

La triomphante audace et les chauds battements,

Et les désirs roulés à ma jeunesse blonde

Ainsi que des oiseaux nichés dans le printemps.

 

Ce n'est plus la couleur des jeunes matinées,

Où l'espoir des bonheurs flottait à l'horizon,

Comme au ciel de l'été ces laiteuses nuées

Qui estompent les bois, les prés et les vallons.

 

Ce n'est plus la ferveur des journées finissantes

Et l'émoi sensuel quand approche la nuit,

Et que le soir, complice, aux lèvres des amantes,

Met les baisers mortels sous l'astre qui pâlit.

 

Maintenant, quand je vois le soleil qui décline,

Je pense aux yeux fermés qui ne le verront plus,

Je pense à la douleur qui gonfle les poitrines,

Aux adieux éternels et aux bonheurs perdus.

 

Et l'automne doré met en vain sa caresse

Sur les derniers beaux jours et sur mon coeur meurtri,

Dans les feux du couchant tout mon passé se dresse,

Et l'avenir en pleur m'apparaît dans la nuit.

 

Pages posthumes, 1913



11/03/2013
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