Blanche Sahuqué

Amertume

Amertume

 

Puisque la mort plaintive aux rives étrangères

Npus emporte si tôt,

Pourquoi chérir l'amour, les parfums, la lumière,

Leur joie est un sanglot.

 

Du radieux été, pourquoi presser les treilles,

Jusqu'à l'enivrement?

Pourquoi l'automne roux emplit-il les corbeilles,

Puisque l'hiver nous prend?

 

La Jeunesse, en riant, aux flancs moussus des arbres

Met des noms enlacés,

Pourquoi frémir ce soir, si demain, sous le marbre,

Les yeux seront glacés?

 

Pourquoi d'un fauve élan l'amour joint-il les bouches,

Et les mains des amants,

Puisque la mort est là qui dénoue en leur couche

L'étreinte et les serments?

 

Puisque tout est si court, décevant, inutile,

Que tout passe et s'enfuit,

Que les plus grands amours semblent un son futile

Dans l'immense infini;

 

Que si près des baisers, la douleur suspendue

Est un terme fatal,

Pourquoi ne pas laisser notre âme hautaine et nue

Vivre sans idéal?

 

N'entr'ouvrir notre coeur, comme un fruit qu'on partage,

Qu'aux plaintes des mourants,

Et passer dans la vie comme au sein d'un orage

Où l'on ploie sous le vent.

 

Le chemin solitaire, 1908



11/09/2012
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