Ironie
Ironie
Pour nous masquer la vie et la douleur promise
A nos espoirs,
Rions au jour qui vient, buvons l'heure qui grise,
Sans voir le soir.
Regardons sans effroi l'avenir qui s'endeuille
De nos désirs,
Et goûtons le plaisir comme un fruit que l'on cueille,
Sans le finir.
Durcissons notre coeur et notre front qui rêve
A l'âpre loi;
Et si notre oeil se trouble en voyant la vie brêve
De nos émois,
Egrenons sur nos pleurs notre rire en fusée
Et nos dédains,
Bafouant l'Idéal que nos jeunes années
Croyait certain.
Et sans l'amour qui trompe et le rêve qui leurre,
Indifférents,
Narguons la mort certaine et le péril de l'heure
En nous jouant.
Le chemin solitaire, 1908.